Airbus has kicked off a consolidation of the aerostructures industry, which was already in the making before the crisis. This strategy has an economic, industrial and technological component. It is now a matter of accelerating the development of thermoplastics.
Virage stratégique
Les filiales aérostructures d'Airbus, Stelia Aerospace et Premium Aerotec, sont redevenues stratégiques aux yeux du constructeur européen. « Ces activités doivent rester au sein d'Airbus car elles sont cœur de métier. Ces activités ont été filialisées il y a dix ans, avec peut être l'idée, à l'époque, de les céder. Ce n'est pas le cas aujourd'hui », a déclaré Guillaume Faury, lors de la présentation des résultats du groupe pour l'année 2020.
Ce virage stratégique s'intègre dans la double démarche de l'avionneur annoncée dès 2019 : travailler « au renforcement de notre outil industriel pour préparer notre avenir à court et long terme. Nous devons poursuivre la transformation de notre chaîne de valeur industrielle pour la rationaliser et la simplifier afin d'améliorer la qualité, la compétitivité et la durabilité de notre écosystème interne ». En clair : gagner en compétitivité tout en préparant la prochaine génération d'avions.
Aérostructures : une filière fragmentée
Quelque soit le schéma qui est ou sera retenu pour Stelia Aerospace et Premium Aerotec - rapprochement et/ou plus grande intégration dans le groupe ; le président d'Airbus vient en fait de lancer le coup d'envoi de la consolidation de l'ensemble de la filière aérostructures. Un secteur « fragmenté et complexe », pour reprendre les propos de Guillaume Faury et que le DDMS pour « Digital Design, Manufacturing and Services » a bien l'intention de simplifier.
Cet outil de transformation numérique englobe tous les métiers concernés pour « pousser en même temps l'analyse du produit et son système industriel, l'opérationnel avion et les services avec des boucles de retour d'expérience, un mode plateaux et une conception participative » avec pour objectif de « casser les silos de données avion juxtaposées les uns à côté des autres des services de l'engineering, de la production, du commercial, du service ». Un DDMS qui a pris de l'ampleur sur le programme A321XLR (cf. A&C n° 2688).
Une consolidation déjà inévitable avant la crise
Sans oublier que la consolidation de la filière aérostructures était déjà jugée inévitable avant la crise déclenchée par la pandémie et que cette même crise vient maintenant accélérer. La baisse des cadences à Toulouse, Hambourg, et ailleurs, est en effet venue frapper de plein fouet des acteurs comme Daher et Latécoère, pour ne citer qu'eux. De quoi mettre financièrement à genoux, une filière aérostructures très fragmentée et donc très concurrentielle.
« C'est un grand marché qui pèse autour de 60 Md$, mais qui compte aussi énormément d'acteurs. Nous sommes plus de 150 à concourir. Sur ce total, nous sommes une cinquantaine à disposer des compétences de rang 1. Il y a clairement beaucoup trop de concurrence sur les contrats. Mais, l'enjeu est aussi celui de la taille et de la capacité à générer le cash nécessaire pour investir dans les nouveaux programmes », soulignait déjà en avril 2019, Yannick Assouad, alors directrice générale de Latécoère.
Pratiquement au même moment, le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger avait émis une note sur le sujet, identifiant parmi ces 150 acteurs, une grosse douzaine de « poids lourds » mondiaux. Et parmi ces « têtes d'affiche » (Airbus, Boeing, GKN Aerospace, Spirit Aerosystems,...), encore moins sont présents à la fois sur les quatre segments du marché aérostructures avec là encore des parts de marché tout aussi très fragmentées (cf. tableau). Et une filière d'ores et déjà, à l'époque, confrontée à des perspectives peu réjouissantes.
Pas assez de trésorerie
A la concurrence croissante d'acteurs de pays émergents comme l'Inde, aidés par les obligations d'off-set dans le cadre de contrats de vente, les capacités à pouvoir continuer à réduire les coûts devenaient en effet de plus en plus difficiles. « Sur la période 2014-2017, les fournisseurs de rang 1 d'aérostructures avaient réussi à protéger leurs marges malgré la pression exercée sur eux par les maîtres d'oeuvre en rationalisant leur base de coûts internes et en jouant sur les économies d'échelle au fur et à mesure de la montée des cadences de production », notait le cabinet Roland Berger.
Et de poursuivre : « Ce n'est plus le cas. Le problème désormais pour les acteurs de la filière aérostructures est qu'il leur sera de plus en plus difficile de continuer à réduire encore leurs coûts ». Même si les solutions mises en œuvre comme une automatisation croissante et l'appel à de nouveaux fournisseurs de rang 2 dans des pays à moindres coûts ont permis de limiter ou de retarder ce mouvement inexorable. Reste la difficulté à dégager de la trésorerie pour préparer l'avenir et être présent sur les futurs programmes.
Filière thermoplastique à développer
« Développer n'importe quelle aérostructure, que ce soit un tronçon d'avion ou une aile, une porte, un empennage, coûte beaucoup d'argent. D'abord en études, car il s'agit de structures critiques qui sont vitales pour l'intégrité de l'avion ; ensuite, en termes d'investissements outillage. Il faut pouvoir supporter ces investissements à l'occasion des nouveaux programmes. Pour une entreprise de la taille de Latécoère, qui réalise 400 à 500 M€ de chiffre d'affaires dans l'aérostructure, ce n'est pas suffisant pour générer le cash-flow, d'autant que les marges sont contraintes en raison du nombre de concurrents », soulignait Yannick Assouad.
Et la résolution de cette équation, rendue encore plus difficile par la crise, doit désormais prendre en compte l'arrivée progressive à maturité des composites thermoplastiques dans lesquels Airbus a massivement investi dans le cadre de son programme « Wings of Tomorrow » visant à développer la prochaine génération d'aile pour avion monocouloir, qu'il soit à hydrogène ou pas, avec le soutien financier du gouvernement britannique via le programme ATI (Aerospace Technology Institute).
Sont notamment associés Spirit Aerosystems, GKN au Royaume-Uni, mais aussi Daher, en France, et bien d'autres sociétés françaises - les PME représentent la moitié ; aux côtés des Instituts de recherche Jules Verne, Saint-Exupéry et M2P (cf encadré). Le tout bénéficiant aussi du soutien du Gifas, « auteur d'une feuille de route sur la valorisation d'une filière thermoplastique au niveau européen ». Avec un groupe de travail des plus actifs qui réunit des responsables d'Airbus, de Stelia Aerospace, Hexcel, Hutchinson, Coriolis, Tecalimit Aerospace,....
Les "Wings of Tomorrow" d'Airbus
De son côté, Daher, qui a été un des premiers à miser sur les composites thermoplastiques en France avec un site de production à Nantes, continue d'avancer et devait livrer à Airbus, toujours dans le cadre du programme « Wings of Tomorrow », cinq nervures thermoplastiques « fortement chargées » « pour alimenter un premier démonstrateur échelle 1 ». Parallèlement, grâce à l'acquisition de la société néerlandaise KVE, Daher maîtrise une technologie de soudure thermoplastique par induction qui permet de réduire le nombre de rivets et la masse « de l'application concernée » de 15 % supplémentaires.
Tous les éléments d'une filière thermoplastique se mettent donc progressivement en place pour toute éventuelle nécessaire accélération aidée par une consolidation de la filière aérostructures. Au delà de l'enjeu industriel et de l'amélioration de sa base de coûts, il s'agit aussi, pour Airbus, d'être prêt face à tout retour concret du projet NMA de 220 à 270 places, revu et corrigé dans une nouvelle fourchette de 190 à 250 sièges, de Boeing en faisant profiter la famille A320neo de nouvelles avancées technologiques tout en continuant à préparer une nouvelle génération de mono-couloirs.
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